|
1000 INSOUMIseS ENVAHISSENT UN HÔTEL DE L'ÉLITE
FINANCIÈRE À MONTRÉAL
Montréal,
15 avril 2004
Plus
d’un millier de manifestantEs enragéEs ont pénétré
hier dans le prestigieux Hôtel St-James de Montréal,
provoquant un chahut généralisé et perturbant
la pause-café des riches abasourdiEs. La manifestation
était organisée dans le cadre d’une journée
d’action provinciale marquant le premier anniversaire
des élections ayant conduit Jean Charest et ses Libéraux
à la tête du gouvernement du Québec.
Dès
sa montée au pouvoir, le Premier Ministre Charest a
amorcé son projet de réingénierie de
l’État, visant la restructuration du gouvernement
provincial afin de se soumettre aux intérêts
de l’élite capitaliste et s’attaquant clairement
aux nombreux programmes sociaux toujours en place au Québec.
Cette réingénierie s’est traduite en lois
anti-syndicales, en coupures aux subventions des garderies,
en intention avouée de priver des milliers de personnes
de l’aide sociale et en multiples autres mesures dépouillant
les pauvres, les travailleurs et les travailleuses. Sur un
des dépliants distribués lors des événements
d’hier se lisait « Comme si on n’en avait
pas déjà assez d’être priSEs à
la gorge par des salaires minables, des jobs précaires,
de l’aide sociale insuffisante et des loyers trop chers,
le gouvernement libéral s’est donné comme
mission ferme de nous appauvrir encore plus ».
Le
gouvernement Charest s’est fait plusieurs ennemis. Hier,
les rues de Montréal ont accueilli une marche syndicale
et communautaire comptant plus de 10 000 personnes ainsi que
d’autres manifestations organisées par divers
comités logement, par des groupes anti-pauvreté
et par la Fédération des communistes libertaires
du Nord-Est.
À partir de 16h00, une foule s’est rassemblée
au Carré Phillips pour une manifestation co-organisée
par le Comité des sans-emploi Montréal-Centre
et la CLAC Logement (de la Convergence des luttes anticapitalistes).
Après quelques discours enflammés, les manifestantEs
ont pris d’assaut la rue Ste-Catherine puis ont pénétré
dans le centre d’achats de la Place Ville-Marie en scandant
« La paix sociale est terminée! » et «
On est pauvre parce qu’ils sont riches ». Les
clientEs des boutiques huppées sont restéEs
stupéfiéEs, sous le choc de se retrouver tout
à coup au milieu d’un millier d’étudiantEs
pauvres et de jeunes prolétaires en colère.
La manifestation s’est faufilée dans le centre
commercial puis dans la Gare Centrale adjacente et en est
ressortie plusieurs coins de rue plus loin. La foule qui grossissait
toujours est ensuite passée devant le Consulat américain
puis s’est rendue à l’Hôtel St-James,
probablement le plus chic hôtel de Montréal avec
ses chambres coûtant jusqu’à 5000$ par
nuit.
Les
manifestantEs se sont précipitéEs aux portes
d’entrée, en passant à côté
de la gérante d’hôtel bouleversée
pour enfin se rendre dans la salle à dîner exclusive
du premier étage. Des hommes d’affaire, vêtus
d’habits chics, ont été un peu dépourvus
par la présence d’anarchistes masquéEs
en noir qui ont commencé à sauter sur les tables
de chêne, ou encore ont tenté de tirer les nappes
de table sans faire tomber les assiettes et les verres; ce
qui n’a pas fonctionné. Les manifestantEs ont
également joué des airs sur le piano à
queue et certainEs se sont rempli les poches de fourchettes
et cendriers en argent. D’autres se sont assisEs aux
tables des clients payants de l’hôtel et se sont
serviEs en buvant leur vin et en mangeant leurs hors-d’oeuvres.
Quelqu’unE a aussi graffité «À bas
le capitalisme » sur un des murs. Plusieurs gardiens
de sécurité de l’hôtel ont essayé
d’attraper un manifestant, mais en ont été
empêchés par les autres. Un des gardiens de sécurité
a avoué à une organisatrice : « Ne t’en
fais pas, je ne vais pas vous empêcher de faire quoi
que ce soit. Je me fais juste payer 10$ l’heure. Je
suis de votre côté. »
Après quelques minutes de branle-bas, les manifestantEs
à l’intérieur de l’hôtel ont
continué leur chemin vers le centre d’achat ultra
chic du Centre de Commerce Mondial de Montréal qui
communique avec l’Hôtel St-James. La manifestation
est passée dans le Centre en renversant des tables
et des petits arbustes intérieurs avant de finir dans
la marche syndicale.
La
bande hétéroclite s’est dispersée
dans la marche syndicale sous les yeux de la police qui n’a
jamais eu l’occasion d’intervenir et qui s’est
retrouvée complètement dépassée
par les événements. Il n’y a eu aucune
arrestation.
Reste à voir si cette action militante fera boule de
neige ou si le vent de contestation sera perdu dans l’électoralisme
et le nationalisme. Mais le potentiel pour un mouvement de
lutte, organisé par des pauvres qui sont prêtEs
à se battre sans compromis et faire des actions qui
perturbent réellement le gouvernement Charest, est
bel et bien là. L’esprit de la journée
peut sans doute être le mieux exprimé par les
auto-collants posés tout le long du trajet de la manif,
à l’intérieur du centre d’achat,
dans les rues du centre-ville, sur les panneaux de signalisation,
les gros véhicules utilitaires et les autos de police.
Les auto-collants montraient le visage de Charest à
côté de la phrase : «Ostie de crosseur!».
|
|